Israël mène une « campagne de famine délibérée » dans la bande de Gaza, affirme Amnesty International dans un communiqué publié, lundi 18 août, à la lumière de nouveaux témoignages qui « apportent des preuves convaincantes ». Depuis des semaines, l’Organisation des nations unies et d’autres alertent la communauté internationale sur une famine imminente dans le territoire palestinien.
L’ONG a mené des entretiens avec 19 Palestiniens de Gaza vivant dans des camps de déplacés et deux membres du personnel médical traitant des enfants souffrant de malnutrition, indique l’Agence France-Presse (AFP). À la lumière de leurs témoignages, elle estime avoir des « preuves convaincantes que la famine infligée par Israël aux Palestiniens de Gaza est une politique délibérée ».
Pour l'ONG Amnesty International, les témoignages qu’elle a recueillis confirment que « la combinaison mortelle de la faim et de la maladie n’est pas une conséquence malheureuse des opérations militaires israéliennes » à Gaza.
« C’est le résultat intentionnel de plans et de politiques qu’Israël a conçus et mis en œuvre, au cours des 22 derniers mois, pour infliger délibérément aux Palestiniens de Gaza des conditions de vie calculées pour entraîner leur destruction physique – ce qui fait partie intégrante du génocide en cours d’Israël contre les Palestiniens à Gaza », ajoute-t-elle.
« Alors que les autorités israéliennes intensifient leurs attaques contre la ville de Gaza et menacent de lancer une invasion terrestre à grande échelle, les témoignages que nous avons recueillis sont bien plus que des récits de souffrances : ils constituent une condamnation cinglante d’un système international qui a accordé à Israël le droit de tourmenter les Palestiniens en toute impunité depuis des décennies », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International.
Dans une alerte publiée le 29 juillet 2025, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) a déclaré que le seuil de famine avait été atteint pour la consommation alimentaire dans la majeure partie de Gaza, concluant que le pire scénario de famine était déjà en train de se produire et que le nombre de personnes, y compris des enfants, mourant de faim allait continuer d'augmenter. Cette réalité alarmante se reflète dans les données recueillies par le Nutrition Cluster, selon lesquelles près de 13 000 cas d'admissions pour malnutrition aiguë chez les enfants ont été enregistrés en juillet, le chiffre mensuel le plus élevé depuis octobre 2023. Parmi ces cas, au moins 2 800 (22 %) étaient des cas de malnutrition aiguë sévère.
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« La plupart des familles à Gaza ont atteint le point de rupture. Elles ont déjà épuisé le peu de ressources dont elles disposaient et dépendent entièrement de l'aide humanitaire. Les restrictions imposées par les autorités israéliennes au travail des principales organisations humanitaires et leurs menaces de les interdire coupent de fait ces familles de leur seule bouée de sauvetage », a déclaré Erika Guevara Rosas.
Les femmes enceintes et allaitantes interrogées par Amnesty International ont évoqué l'extrême pénurie de biens indispensables à leur survie, la dure réalité d'être enceinte ou jeune mère vivant sous une tente sous une chaleur estivale extrême, et la lutte acharnée au quotidien pour se procurer de la nourriture, du lait maternisé et de l'eau potable. Elles ont également fait part de leur sentiment de culpabilité de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants, de leur crainte de savoir qui s'occuperait d'eux si elles étaient tuées, et de leur anxiété face aux conséquences de la malnutrition sur leur croissance et leur bien-être.
S, (son nom complet n'a pas été divulgué à sa demande), une infirmière déplacée de Jabalia vers le camp de déplacés d'al-Taqwa à Sheikh Radwan, dans la ville de Gaza, a raconté le combat quotidien qu'elle mène pour s'occuper de son garçon de deux ans et de sa fille de sept mois. Elle a fui pour sauver la vie de ses enfants ; c'était un choix entre le déplacement et la mort. Elle a expliqué que la faim était devenue palpable fin avril, la forçant à économiser les maigres portions de nourriture pour ses enfants tant qu'elle restait affamée. Le repas quotidien de la famille, lorsqu'il y en a, se compose d'une assiette commune de lentilles ou d'aubergines avec de l'eau, S donnant la priorité à son tout-petit. Ses enfants s'endorment « en pleurant de faim ». Le lait maternisé, rare à Gaza (environ 270 shekels (79 dollars) pour trois jours), est inabordable. Sa fille de sept mois pèse le poids d'un bébé de quatre mois. Malgré ce prix exorbitant, les familles ont signalé des pénuries de lait maternisé au marché.
Les souffrances psychologiques liées à la famine, notamment les traumatismes, la culpabilité et la honte, sont également partagées par les femmes enceintes interrogées par Amnesty International.
Cette recherche s’appuie sur la documentation récente d’Amnesty International sur l’impact de politiques et de pratiques israéliennes spécifiques, notamment un siège total imposé pendant 78 jours entre mars et mai et le remplacement du système d’aide humanitaire de longue date dirigé par l’ONU par un mécanisme d’aide non neutre, mortel et dégradant, imposé par la soi-disant Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), soutenue par les États-Unis et Israël, qui a encore aggravé les souffrances de la population civile de Gaza.